Creux de l'hiver
Je ne pratique pas de sports d'hiver.
Mon sport c'est d'observer la lumière qui entre par les fenêtres et crée des ombres magiques sur mes murs.
Le froid me rend gourde.
Sur mes marches s'amoncellent les chutes de neige et j'étire jusqu'au dernier moment la décision d'aller l'enlever. Le soleil la fera-t-elle fondre?
J'écoute en boucle les chants d'Hildegarde von Bingen. L'album s'intitule "Canticles of Ecstasy" [Cantiques de l'extase]. Tout le reste me semble du bruit.
Immobilisée au lit avec un douloureux torticolis, je ferme les yeux et un balado de France Culture me raconte l'histoire d'Hildegarde, moniale bénédictine allemande du XIIe siècle, magistra de l'abbaye qu'elle a fondée, herboriste, compositrice, visionnaire, guide, illuminée.

Les arbres, immobiles obstinés, ploient sous le vent.
Je ne les imaginais pas capables d'une telle souplesse.
Suivre leur exemple?
Sous le lampadaire les flocons filent comme des étoiles.
La trace qu'ils laissent illumine la nuit, robe de bal éphémère.
Confinée par l'obstination blanche qui bloque la vue et s'empile sans relâche, j'écoute la voix de la Callas. "Vissi d'arte, vissi d'amoure, non feci mai male ad anima viva! [Je vivais d'art, je vivais d'amour, je n'ai jamais blessé âme qui vive!]" L'hiver peut bien se déchainer, je suis au chaud. Gratitude.
Maria Callas chante "Vissi d'arte", extrait de l'opéra Tosca, de Pucini, sous la direction de Georges Sebastion, Palais Garnier, Paris, 1958:
© Michelle Courchesne texte et photo.
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