La familia et toute la smala
Je digresse.
Je tigresse.
Je tergiverse.
Je contreverse.
Je bouleverse.
Je renverse.
Je détresse.
Je maladresse.
Je stresse.
Je souplesse.
Je princesse.
Je déesse.
Je forteresse.
Je rudesse.
Je redresse.
Je progresse.
Tendresse.
Tristesse.
Prophétesse.
Il est des membres de la tribu comme des inconnus: on en choisit certains et d'autres nous tombent dessus sans qu'on le veuille.
En allant assister à l'activité de clôture de l'exposition "Draps de lit pour l'humanité en devenir", à l'École d'art de Sutton, pour un instant, j'ai cru que le monde avait enfin changé. Peter Schumann, frêle marionnettiste de 90 ans, artiste, fondateur du Bread & Puppet, hurluberlu ou boulanger, selon ses heures, a pris la parole dans une grande salle toute peinte en blanc, transformée en lieu de créations diverses. Autour de lui, la salle débordait. L'humain.e présent.e irradiait la paix possible, la compréhension des enjeux écologiques, la douceur du cheminement intérieur et l'irrévérence des choix personnels. Je serais allée jusqu'au bout du monde avec ces inconnu.e.s croisé.e.s là, par un heureux hasard. Déambulant dans les immenses pièces de cette ancienne crémerie, les yeux grands ouverts devant tant de lucidité joyeuse qui transperçait chaque drap blanc créé par Schumann, j'ai fait le plein de ce qui nous manque parfois terriblement: E-S-P-O-I-R.
Dans ma tribu, il y des membres que j'ai choisies de plein coeur et réciproquement: le cercle des rares-femmes-sages qui a réunit quelques unes de ses membres autour du livre "Rue Duplessis: ma petite noirceur" de Jean-Philippe Pleau que l'une de nous nous a invitées à lire, chacune de notre côté. Les transfuges de tous ordres que nous sommes s'y sont reconnues et la parole s'est déliée. Autour d'un repas festif, nos coeurs se sont ouverts, la guérison est survenue sans crier gare, le réconfort de se savoir aimées nous a regaillardies. Cette amitié traverse le temps, toujours reprise là où on l'avait laissée, de coeur à coeur et j'ai une reconnaissance infinie pour la présence de ces femmes dans ma vie.
Dans ma tribu, il y a aussi la famille: mon chum, mes enfants, ma mère et son chum, mes soeurs, mes beaux-parents, mes oncles, mes tantes, mes neveux et nièces, mes belles-soeurs et beaux-frères, mes cousines et cousins, en ordre et dans le mélange! Lorsque j'étais plus jeune, je n'arrivais pas à comprendre ma place dans cette étrange constellation. Chacun.e y occupait un espace mais je ne comprenais pas tout à fait le mien. Avec le temps, je me suis aperçue que l'espace qui est le mien est celui que je me permets d'occuper. D'ailleurs, plus je me permets de prendre ma place, plus je sens la reconnaissance des autres. C'est comme dans une chorale, lorsque l'on affirme sa note l'harmonie des voix atteint sa plénitude. Même si la famille ressemble souvent à une pièce musicale contemporaine aux accords dissonants, dans les meilleurs des cas, chacun.e peut y pousser sa note sans avoir peur de sonner faux, du moins je le souhaite à toutes et à tous.
Dans les dernières semaines cette familia, cette smala, cette tribu et toutes les sorcières de mon clan m'ont épaulée pour la traversée d'un miroir inattendu. Leur force, leur sagesse m'ont été transmise, en toute simplicité, de leur façon unique. Je remercie chacune et chacun d'eux du fond du coeur.
Nous avons tou.t.e.s un quartier à quitter pour mieux inventer notre paysage.
© Michelle Courchesne texte et photos.
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