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Les mots du dimanche

Par Michelle Courchesne

Courage

Fluide - Statique - Visqueux - Tourbillonnant - Limpide - Bouillonnant - Abime - Grisâtre - Filet - Fuite - Torrent - Barrage - Inondation - Fécondation - Turquoise

Photo de Michelle Courchesne

Il est de ces artistes avec lesquels on ne veut pas rater les rendez-vous. Pourtant, l'automne dernier, pour la présentation du "Sacre du printemps" monté par Germaine Acogny qui reprenait, avec sa troupe de l'École des Sables, la chorégraphie de Pina Bausch, je n'avais pu me présenter. Malade. Tout simplement. J'avais les billets depuis des mois, une amie s'est assise à ma place pour recevoir de plein fouet la brutalité et la finesse de cette oeuvre. Pour moi, Pina Bausch est LA chorégraphe du 20ième siècle, celle qui transmet la transfiguration dont notre âme a besoin, sous forme de danse.


Alors, lorsque j'ai vu que Rafael Payare allait diriger le "Sacre du printemps" d'Igor Stravinski, en ouverture de sa nouvelle saison de l'Orchestre symphonique de Montréal, j'ai pris des billets, une façon de me rattraper de mon rendez-vous manqué. Au dernier balcon, je voyais tout l'orchestre comme un organisme vivant composé de minuscules parties s'agitant tour à tour. L'orchestre est le seul instrument de musique vivant. Il respire. Il halète. Il crie. Il murmure. Il pleure. Payare l'a fait jubiler!


Ce n'est pas tous les jours que l'on assiste à une rencontre qui nous transporte dans la dimension du sacré, du vivant, du flot, de cette mouvance qui nous relie entre nous et avec nous-même. Rafael Payare, qui a appris la musique grâce à El Sistema, programme d'éducation musicale financé par des fonds publics, dans son Puerto La Cruz, Venezuela natal, a eut cet effet avec son instrument vivant, lors du concert de mardi dernier. Sur le podium, il s'envolait, transportant l'orchestre et la salle avec lui, moment de Grâce.


Suivre le courant nous mène au sublime, nous garde dans l'oeil du cyclone, au centre immobile et lumineux. Les musiciens savent et se laissent transporter pas la musique, bien au centre. Leurs corps s'activent sans résister à ce qui nait de leurs vibrations. Ne pas résister à ce qui est, cette résistance qui apporte la douleur, physique ou mentale.


Je n'exerce plus le métier que j'aimais et, à l'approche de mon dernier jour d'exercice, mon bras droit s'était mis à me faire mal, tout légèrement au début puis, de plus en plus. J'endurais jusqu'à ce qu'une amie me rappelle à l'ordre: si ça fait mal, tu te soignes, tu t'occupes de la douleur, tu ne la laisses pas prendre toute la place. Dire oui à ce qui est, quelle que soit la légèreté ou l'intensité de ce qui est. Suivre le flot. Une amie m'enseigne cette pratique en en faisant usage elle-même. Son état se transmet, osmose bienveillante et guérissante. Nous sommes tous reliés.


Être dans l'oeil du cyclone allume la brillance scintillante de la réalité. Devenons musiciens. Ayons le courage de vivre allumés.



 

© Texte de Michelle Courchesne

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