Garder le nord
Glissant sur l'eau calme de leur lac intérieur
Parole impeccable
Orgueil dissout
Riches de simplicité
Libres du pardon
Deux sages
Nous avons tous, quelque part dans nos racines, le vestige du Grand Esprit qui résonne, légué dans nos veines par l'amour d'une arrière-arrière grand-mère ou d'un arrière-arrière grand-père. Les quatre directions nous appellent, inlassablement, attendant patiemment que nous entendions leur chant pacifique.
Le temps de la Réconciliation est-il arrivé?
Les tambours et les voix m'ont souvent appelée. Comme un coeur qui bat, leur rythme évoque en moi un temps d'harmonie et de respect avec la nature, la Nature Mère. Le duo des chants de gorge me ramène aux entrailles de la vie. La plainte scandée et dansée m'émeut jusqu'aux larmes.
John Trudell, Buffy Ste-Marie, Stanley Vollant, Florent Vollant, Joséphine Bacon, Natasha Kanapé Fontaine, Michel Jean, Élisapie et tant d'autres, il y a longtemps que leurs appels ont été lancés, maintenant ils résonnent sur la place publique et nous enjoignent d'écouter. Tant de souffrance, d'usurpation d'identité. Tant de résilience, de reprise de possession de leur traditions.
J'ai rencontré Dominique Rankin, ainé et chef héréditaire anishinaabe, par un heureux hasard, comme parfois la dépendance aux réseaux sociaux peut en apporter! Trois rencontres en vidéoconférence ont eu lieu, auxquelles j'ai assisté. Avec sa partenaire Marie-Josée Tardif, il s'adressait à toutes celles et ceux qui avaient envie de l'écouter parler de son cheminement, des pensionnats jusqu'à la réconciliation avec lui-même: "Donnez vous tout. S'aimer soi-même c'est se dire la vérité à 100%, en tout temps, à soi-même et à l'autre." Ses mots résonnent, vrais.
Pour Dominique Rankin: "Anishinaabe [prononcer Anishinabé], ça veut dire [un] être humain en harmonie avec la nature. Nous sommes tous Anishinaabe."
Sur le site de Tourisme autochtone du Québec, il est écrit: "Installés dans l’ouest du Québec, les membres de la Nation algonquine Anishinabeg [sic] font en sorte que leur mode de vie ancestral est encore bien vivant. Ils sont encore une majorité à utiliser la langue algonquine, dans laquelle leur nom signifie «vrai homme»."
Lors des trois rencontres, Dominique Rankin et Marie-Josée Tardif ont abordé, selon les sagesses autochtones, les thèmes de la maturité spirituelle, du masculin et du féminin et, finalement, de l'anxiété.
Marie-Josée Tardif n'est pas de descendance directe autochtone mais sa démarche personnelle l'a menée vers ces traditions et les aînés ont reconnu en elle une femme-médecine. Cette reconnaissance me touche. Elle démontre que la sagesse n'a pas de frontière et reconnait les chercheur.e.s sincères.
J'ai toujours été sensible à la capacité de pardonner de l'être humain et me demande encore jusqu'où peut aller le pardon."Excuse toi maintenant.", demandé à un enfant qui a fait du tort à un autre est envisageable, l'est-ce pour le bourreau à sa victime? Comment pardonner l'impardonnable? L'assimilation, l'abus, la violence, le génocide, l'invasion, la destruction?
Dominique Rankin a pardonné. De sa voix calme, posée, il raconte. Sa parole transmet la vérité. Il parle comme s'il se parlait à lui-même et n'essaye pas de nous convaincre. Pour lui, chacun doit trouver sa vérité: "Si vous me considérez comme guérisseur, vous allez me remettre votre pouvoir de guérison et ne jamais être en contact avec votre propre guérisseur." Le point tournant de sa vie a été lorsqu'il a arrêté de blâmer les autres ou la vie, lorsqu'il a arrêté d'attendre que ça vienne de l'extérieur. Il a regardé à l'intérieur et il a pris la responsabilité de lui-même. Il s'est donné ce que la vie n'avait pas pu lui donner. "Donnez vous tout." répète-t-il. L'homme-médecine a vécu les pensionnats et la charge qui vient avec. Lorsqu'il a raconté un moment charnière au cours duquel il s'était délesté de la lourdeur de son passé, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Il ne prétend pas que ce délestage se soit fait tout seul. Il n'y a pas eu de magie, juste une volonté profonde d'être en paix et du temps, beaucoup de coups de rame dans le lac paisible...ou agité.
Au sujet de la capacité de résilience et de transformation, lundi dernier, j'entendais Danielle Trottier, autrice de la dramatique: "À coeur battant", diffusée sur le réseau de Radio-Canada. Cet automne verra la dernière saison de cette série qui traite avec sensibilité de violence conjugale, des points de vue des agresseurs et des victimes. L'autrice s'adressait à Pénélope McQuade, dans son émission radiophonique sur Ici Première. Pour Danielle Trottier: "Si on ne travaille pas des deux côtés de la route, si on ne travaille pas auprès des producteurs de violence, si on ne travaille pas auprès des victimes, presque de façon égale, on n'y arrivera pas."
La scénariste me confronte. C'est difficile d'accepter de s'occuper des agresseurs! Les torts qu'ils ont causés sont si profonds. Pourtant, souvent, ils ont été eux-mêmes victimes et traînent une enfance que nul ne pourrait leur envier. Tout simplement, ils n'ont pas appris.
Aimer l'aimable est à la portée de tous et de chacun.
Si le pardon m'interpelle, cette forme ultime de l'amour, c'est qu'il me réclame son dû.
Vous, avez-vous quelqu'un ou quelque chose à pardonner?
Avez-vous à vous pardonner?
© Michelle Courchesne, texte et encre sur papier. Illustration de la rose des vents: domaine public.
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