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Les mots du dimanche

Par Michelle Courchesne

La tribu, bis

Faire la paix

Réconcilier l'inévitable

Défroisser les plis du temps

Patienter pour l'éclaircie

Enterrer la hache tout court

Hisser le drapeau de la colombe

Mission hasardeuse

Miracle insaisissable

 

Bien au chaud dans mon lit douillet, le ventre plein, la santé au beau fixe et le lavage fait, je ne crois pas avoir le droit de parler de la guerre, de celle qui tient le haut des nouvelles, de celles qu'on a oublié de suivre et de celles dont on évite de nous parler. Les enjeux ne sont pas mon fort, je préfère les enjoués, quitte à passer pour une autruche. Sans doute les autruches se mettent-elles la tête dans le sable parce qu'elles ne supportent pas la douleur du monde. Pleurer à temps plein ou s'engourdir en suivant les profils sociaux, telle est la question. Pourtant, aujourd'hui, c'est de la guerre dont j'ai besoin de parler, pour comprendre, pour sortir du sable.


Dans l'affrontement, on cherche le coupable, le méchant, celui qui a commencé, celui qui a lancé la plus grosse pierre, celui qui crie le plus fort. Ça arrivait souvent avec mes deux enfants, l'aînée titillait la cadette et quand celle-ci, exaspérée, se mettait à lui rendre la monnaie de sa pièce, je me tournais vers la grande et lui démontrais que je n'étais pas dupe de son silence, malgré les cris de sa soeur.


Dans l'actualité, c'est à qui criera le plus fort, pendant que les enfants meurent et que les crimes de guerre se multiplient, inopinément. Loin, loin de là, nous réclamons un cessez-le feu, installés dans nos conforts modèles.


Souvent, les ennemis font semblant de s'entendre. La menace sourde se faufile entre les lignes des nouvelles du jour. Des haut placés se serrent la main, souriant pour le kodak, le monde tourne rond semblent-ils dire. Ce ramassis de faux sourires donne le tournis. À en croire la photo, aucun couteau n'est planté dans leurs dos. Ces dignitaires se mettent d'accord au nom de leur groupe que l'on voudrait bien imaginer homogène.


Dans le gâchis actuel entre Israël et Gaza, on oublie les conventions: "Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels contiennent les règles essentielles du droit international humanitaire, qui fixe des limites à la barbarie de la guerre. Ces traités protègent les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités." (Site du Comité international de la Croix-Rouge)


J'en pleure!


Deux tribus s'affrontent! Les zèbres à rayures noires n'aiment pas les zèbres à rayures blanches, ironisait une caricature sur une application au défilement infini (que regrette d'avoir imaginé son inventeur). Quand la tribu s'est-elle divisée? Quand l'autre, en face, est-il devenu l'ennemi de par sa différence? Comment avons-nous perdu la trace de notre humanité?


Après la Seconde Guerre mondiale, Hannah Arendt, une politologue, philosophe et journaliste allemande naturalisée américaine, a cherché à comprendre. Elle a suivi, pour le New Yorker, le procès d'Adolf Eichmann, ancien nazi réfugié en Amérique du Sud, accusé de crimes de guerre. À cela, Eichmann réfute, en substance, n'avoir qu'obéi aux ordres. Arendt, évoque, pour sa part, la "banalité du mal", arguant que n'importe qui, rationnellement, pourrait refaire la même chose, si l'ordre en était donné.


Ça me donne froid dans le dos.


Sur le défilement bleu automatique, les pour et les contre se succèdent, rivalisant avec les souhaits de paix. Mais, nous, que faisons-nous, réellement, pour la paix?


Quand je me pose cette question, je me demande toujours où en est ma réserve de ressentiments, de brouilles, de différends ou d'amertumes. Je l'entretiens ou je l'oublie? Qu'est-ce que je fais pour régler mes comptes, pour m'assurer qu'à l'intérieur de moi rien ne croupit, qu'aucun poison silencieux ne se diffuse? Mes vieilles rancoeurs remontent parfois, me rappelant que la paix n'est pas complète. Alors, j'envoie de l'Amour. À l'autre. À moi-même.


Régler un conflit veut aussi dire se laisser du temps et de l'espace pour réfléchir, pour trouver la meilleure solution, le meilleur dénouement. Parfois, la résolution du conflit vient de la séparation, de la distance physique entre les antagonistes. Parfois, quand c'est fini, c'est fini; vient ensuite l'art de vivre en paix.


Bon, pour faire ma part pour la paix, je signe aussi des pétitions. Je m'informe un tant soit peu. J'envoie les messages préparés par des organisations connues à mes élu.e.s. Mais, surtout, j'évite de juger, de mettre tout le monde dans le même panier: les "7" sont tous des "bip" et les "8" sont tous des "bop". On voudrait tellement nous faire croire qu'ils sont "tous pareils", cette déshumanisation aide les dirigeants à justifier la culpabilisation. Mais, bon sang, arrêtez de lâcher des bombes et parlez-vous! Nous sommes la même tribu habitant la même planète!!!


La merveilleuse Clarissa Pinkola Estes (Auteure de "Femmes qui courent avec les loups") a publié ceci pour venir en aide aux coeurs qui s'interrogent (Traduction libre en italique):


Go In Peace Allez en Paix

Please stay strong, hold the middle, Je vous en prie restez fort, accrochez-vous au centre, Do not be seduced into hatred. Ne soyez pas séduits par la haine. It is easy to hate and not be able to stop. C'est facile de haïr et de ne plus pouvoir s'arrêter. It is easy to love and not be able to stop. C'est facile d'aimer et de ne plus pouvoir s'arrêter.


Choose what will hold the center, Choisissez ce qui va tenir le centre, Help to mend and bless the many. Aidez à réparer et à bénir la multitude. Hatred has no nation, no ethnicity, no race. La haine n'a ni nationalité, ni ethnicité, ni race. Choose what will hold the center, Choisissez ce qui va tenir le centre, And help to mend and bless the many. Aidez à réparer et à bénir la multitude.


May each heart love Love Que chaque coeur aime l'Amour Far more than loving Plus encore qu'aimer What is not Love. Ce qui n'est pas l'Amour. Choose what will hold the center, Choisissez ce qui va tenir le centre Help to mend and bless the many. Aidez à réparer et à bénir la multitude.

Go In Peace, chant/prayer ©2011 on occasion of 9-11 families ministering to them, by cp estés reyés, a/r/r.


Ma grand-mère disait qu'elle ne s'endormait jamais sans avoir réglé un différend avec mon grand-père: un bon début pour éviter l'escalade.


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© Texte de Michelle Courchesne


Merci Maya Angelou.

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