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Les mots du dimanche

Par Michelle Courchesne

Les épines ça ne sert à rien

Douceur du délire

Grattement absous

L'encre coule

À mon cou


Inutile

Délicieux

Sortie du présent

C'est tout

 

Une voix disparue laisse des traces dans le silence imperturbable

Une voix lointaine, humaine

Les ondes se calment, s'élargissent, redeviennent néant

Que perd-on le plus vite de quelqu'un?

Son image?

Son odeur?

Sa voix?

Sa voix humaine qui transportait la totalité de sa trajectoire fugitive, l'ensemble indiscerné de tous ses gestes posés, de ses regrets comme de ses gloires

La gloire de vivre

La gloire d'aimer

La gloire de mettre un pied devant l'autre



La voix humaine


Celle de Gérard Philippe (1922-1959) m'est revenue en mémoire cette semaine. Alors, j'ai eu envie de réécouter "Le Petit Prince" comme lorsque j"étais enfant, quand les histoires pouvaient encore faire surgir des images avec juste des mots.


Dans ma version fétiche, celle qui, à mon avis, n'a jamais été surpassée, ce grand acteur à la fois candide et tragique, nous livre l'histoire de Saint-Exupéry en personnifiant son alter égo, celui qui dessine le mouton. Je l'ai écoutée au complet. Des bribes de mon enfance remontaient en vagues douces. En compagnie du Petit Prince et de l'aviateur, je partageais leur présence dans le désert, immense, jaune, brûlant le jour et froid la nuit.


À la fin de l'histoire, lors du retour du Petit Prince vers sa planète, sous le regard témoin de l'aviateur, arrivé trop tard pour empêcher le serpent de mordre l'enfant, pour empêcher son corps de tomber doucement dans le sable, sans faire de bruit, m'a fait pleurer. Impossible d'empêcher l'inéluctable. Le Petit Prince retourne à sa planète, à sa rose, mais laisse son corps derrière lui: "Tu comprends, c'est trop lourd."


J'ai toujours aimé Gérard Philipe. Il ressemblait à un enfant. Ses yeux avaient la candeur d'un ange qui a tout vu et qui aime encore, comme ceux de Bruno Ganz dans "Les ailes du désir" de Wim Wenders.


"L'essentiel est invisible pour les yeux. On ne voit bien qu'avec le coeur."


J'ai toujours aimé la voix de Gérard Philipe. Pourtant, la phrase sybilline qui s'imprime n'est pas dite par Gérard Philipe, c'est celle de Jacques Grello, acteur et chansonnier (1911-1978). Une voix douce, intelligente, terre à terre. Une voix au museau fin de renard.


On dit que les voix sont commes des empreintes digitales, uniques, comme la rose du Petit Prince.


Dans ma boîte vocale, j'avais laissé l'enregistrement des voix d'êtres chers. Je les réécoutais parfois. Le progrès a tout effacé dans une mise à jour insensible à la fragilité de la vie. Il reste ma mémoire pour les faire jouer à nouveau. Je m'ennuie de mon bon vieux répondeur.


Alors, je garde au coeur les voix disparues.

 

Pour voir et entendre Gérard Philipe qui raconte une partie du Petit Prince :



Pour la version complète:


 

En mémoire de Claudine Vézina, professeure de musique au primaire, pianiste, mère, amoureuse, amie, collègue.


Repose en paix.



 

© Texte et photo de Michelle Courchesne. Photo de la rose Wix.com.


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