Transfuge
Ne rien faire
Se laisser tomber
Comme une feuille
Renaître
Tout à l'heure
Demain
Au coucher du soleil
Je ne fais rien.
Je me laisse guider par ce qui est là.
Hier, au parc devant la rivière, une pianiste et un violoniste (Karine Bétournay et David Piché) jouaient devant quelques passants attardés et d'autres venus expressément pour les entendre. Le ciel presque sans nuages, intensifié par la teinte de mes lunettes fumées, donnait envie de s'envoler, d'aller se bercer au faîte d'un arbre entourant les musiciens. "Excusez-nous à l'avance pour le son que vous entendrez. Ce piano est accordé un demi-ton plus bas et ne répond pas aussi bien qu'on le voudrait. Son demi-ton plus bas impose d'accorder mon violon d'une façon différente ce qui n'est pas sans surprises." Ces excuses étaient de mise mais la joie d'entendre Bach, Mozart, Beethoven ou Morricone dehors, alors que les cyclistes circulaient et que les enfants jouaient, dépassait largement les inconvénients sonores.
Aujourd'hui, je paresse, tirant finalement du dessus de ma table de chevet le livre de Jean-Philippe Pleau: "Rue Duplessis: Ma petite noirceur". Invitée à en faire la lecture par mon amie Johane qui a le don de proposer des excuses pour que l'on se rencontre toutes, j'ai ouvert ses pages. Installée en cocon dans mon lit douillet, j'ai regardé tout d'abord toutes les photos, sans légendes. (J'adore regarder les photos lorsqu'il y en a!) Ensuite, je me suis dit que je ne lirais que l'avant-propos. Puis, j'ai débuté la première partie en me disant que je ne lirais que quelques pages. J'ai poursuivi sur la terrasse au soleil, alors que cette fin de septembre offrait une douceur de temps propice à la lecture. J'en suis à la troisième et dernière partie, dans un trajet de lecture sans arrêts, me reconnaissant souvent dans les propos de l'auteur.
En effet, je suis la fille d'un transfuge de classe qui n'a pas offert à ses filles la possibilité de poursuivre leurs études ailleurs qu'à Débile-Délinquant (petit surnom affectueux donné à notre polyvalente) malgré que son parcours personnel lui avait permis de compter parmi les fondateurs de l'UQAM. Oui, il y a ici une rancoeur à gérer. À venir.
Alors je remercie Jean-Philippe Pleau d'avoir mis sur papier son histoire qui n'est pas tout à fait la mienne mais qui fait écho à mes souvenirs de cour d'école, de ruelle et de polyvalente; qui me rappelle les gestes fondateurs de ma propre vie qui ont ouvert mes chemins de liberté, à ma mesure, même si la liberté n'a pas de mesure.
"Free, free, set them free." Sting
© Michelle Courchesne, texte et photo.
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